
En ce mois de janvier plusieurs campagnes d’information placent le dépistage du cancer du col de l’utérus au cœur de l’actualité médicale. En amont de la semaine européenne de prévention et dépistage du cancer du col (19 au 25 janvier), l’Institut national du cancer et le ministère des Affaires sociales et de la Santé diffusent jusqu’au 28 janvier une campagne radio pour sensibiliser les femmes à la nécessité de réaliser régulièrement des frottis, notamment chez les plus de 50 ans. Au même moment la publication d’une étude cas-contrôle britannique vient souligner l’impact du dépistage dans cette population.
Il y a un manque de consensus sur l’âge limite de l’intérêt du dépistage et peu de preuves directes sur lesquelles baser des recommandations. Les femmes régulièrement dépistées de 50 à 64 ans ont-elles un risque réduit de cancer du col à 65-83 ans ? D’autre part, le risque est-il suffisamment faible chez les femmes bien dépistées ayant des antécédents de tests négatifs et d’absence de lésions de haut grade pour justifier l’arrêt du dépistage à 65 ans, et comment ce risque évolue-t-il avec l’âge ? Des questions auxquelles répond une équipe de Londres avec la plus grande étude jamais réalisée sur le dépistage et le risque de cancer du col utérin à 65 ans et plus.
6 fois plus de risque de cancer cervical entre 65 et 83 ans en l’absence de dépistage entre 50 et 64 ans
L’étude inclut tous les cas de cancer du col invasif chez les femmes de 65 ans et plus (n = 1 341) enregistrés en Angleterre et au Pays de Galles de 2007 à 2012 par des médecins généralistes du NHS, le service national de santé britannique, et 2 contrôles appariés par cas sélectionnés au hasard à partir des registres (n= 2 646 ; 2,7 % des cas n’ont qu’un seul contrôle). Les données sur les antécédents de dépistage sont celles du système de dépistage national par cytologie conventionnelle ou liquide.
Le risque le plus élevé de cancer est observé chez les femmes ayant des antécédents de cytologie anormale (Odds ratio [OR] = 1,83 par rapport aux femmes non dépistées de 50 à 64 ans). Les femmes atteintes de cancer sont plus susceptibles de ne pas avoir eu de dépistage de 50 à 64 ans que la population générale (40 % contre 16 %) et moins susceptibles d'avoir eu un dépistage adéquat négatif (21 % contre 53 %). Celles ayant bénéficié d’un dépistage adéquat négatif sont environ six fois moins susceptibles d’avoir un cancer du col utérin à 65 ans ou plus (OR = 0,16, intervalle de confiance à 95 % : 0,13 à 0,19) que les femmes n’ayant pas fait de test depuis l’âge de 50 ans.
Le taux absolu de cancers pour 100 000 années-femmes est estimé à 4,0 chez les femmes dépistées correctement et négatives, 24,5 chez les femmes non dépistées, et 43,0 chez les femmes ayant des antécédents de dépistage anormal. Il se traduit par un risque à 20 ans de 8 cancers pour 10 000 femmes avec dépistage adéquat négatif à l'âge de 65 ans, 49 cancers pour 10 000 en cas d’absence de dépistage et 86 pour 10 000 en cas de dépistage anormal.
Dépister à intervalles réguliers
Par rapport à l’absence de dépistage de 50 à 64 ans, le risque le plus faible est observé pour un intervalle ≤ 5,5 ans entre 2 dépistages (OR = 0,25), et un intervalle de 9 à 15 ans se révèle également protecteur, bien que dans une moindre mesure. Les auteurs estiment d’autre part que, en l'absence de dépistage entre 50-64 ans, le taux de cancer du col utérin chez les femmes de 65-79 ans (actuellement de 9,6 pour 100 000 années-femmes) aurait été multiplié par 2,3. Inversement, si toutes les femmes avaient bénéficié d’un examen à des intervalles ≤ 5,5 ans entre 50 et 64 ans, le nombre de cancers à 65-79 ans aurait été réduit de 38 %.
On observe au final un effet protecteur du dépistage par cytologie entre 50 et 64 ans contre l’apparition ultérieure d’un cancer du col, protection maximale avec un dépistage régulier et qui diminue progressivement quand augmente le délai écoulé depuis le dernier dépistage négatif. Le risque de cancer du col augmente avec l’âge chez les femmes bénéficiant d’un dépistage adéquat négatif (de 0,07 dans la tranche d’âge 65-69 ans à 0,28 chez les 75-79 ans et 0,37 chez les 80-83 ans). Des analyses de sensibilité montrent que les résultats de cette étude sont robustes. La protection associée au dépistage est plus importante pour les carcinomes épidermoïdes que les adénocarcinomes en accord avec les lésions détectées par cette méthode. A la lumière de l'espérance de vie, il semble approprié d’envisager d'augmenter l'âge du dernier dépistage.
Dominique Monnier